Le commerce équitable change bien des vies. Il ne se contente pas de suivre la routine et adopte des méthodes intègres pour payer, valoriser et traiter les gens. Aux côtés de l’entreprise sociale, le commerce équitable est une possibilité solide dans un monde obnubilé par l’accroissement des bénéfices au détriment des gens et de la planète.

Alors que les inégalités se creusent, que la pauvreté persiste et qu’une crise écologique se profile, il devient de plus en plus impératif de changer le monde des affaires. La combinaison de l’entreprise sociale et du commerce équitable est la solution.

Dans mon travail, j’ai compris que le commerce équitable et l’entreprise sociale sont les deux faces d’une même pièce. Après avoir observé les essais de différents types d’entreprises pour adopter le commerce équitable, j’ai fait une constatation : sans un modèle économique véritablement axé sur une mission (comme une entreprise sociale), le commerce équitable est limité.

Pourquoi forcément une entreprise sociale ?

Les autres types d’entreprises choisissent précisément où appliquer le commerce équitable. Par exemple, une entreprise utiliserait le commerce équitable dans une chaîne logistique, un marché ou un produit précis qui lui serait bénéfique (par exemple, qui permettrait aux clients de la récompenser suffisamment). Elle abandonnerait probablement le commerce équitable à partir du moment où cette compensation financière ne serait plus suffisante. En réalité, en tant qu’entité maximisant les bénéfices, c’est ce que ce type d’entreprises sont censées faire. 

En revanche, certaines entreprises, qui ont construit leur modèle économique afin d’aider les travailleurs, agriculteurs et collectivités, continueront d’appliquer le commerce équitable envers et contre tout. Ce sont ces entités que nous devons soutenir financièrement. Ce sont, par définition, des entreprises sociales.

La clé d’un commerce équitable holistique

Prenons, par exemple, l’entreprise suisse Gebana. Dans les années 1970, elle a été fondée par un mouvement national suisse de femmes, pionnier du commerce équitable. En tant qu’importatrice et distributrice de produits alimentaires et agricoles, l’organisation pratique le commerce équitable avec tous ses fournisseurs, réinvestissant tous les bénéfices pour améliorer la vie des agriculteurs. Quelles que soient les récompenses financières, elle reste fidèle à ses engagements à long terme et partage ses bénéfices. 

Ou encore Manos del Uruguay (« les mains de l’Uruguay » en français), une marque de mode composée et détenue par 12 coopératives de productrices provenant de tout l’Uruguay. Fondée en 1968, cette entreprise a pour vocation d’aider ces productrices, en fournissant en priorité des moyens de subsistance et des possibilités de développement personnel aux Uruguayennes de la campagne. Tous leurs bénéfices sont redistribués ou réinvestis pour aider les productrices. 

Contrairement aux entreprises traditionnelles, Gebana et Manos del Uruguay ne pratiquent pas le commerce équitable uniquement quand c’est rentable. Quoi qu’il arrive, elles le font parce qu’elles sont des entreprises sociales au sens propre du terme. Si le sujet vous intéresse, bien d’autres études de cas sur ce type d’entreprises sont disponibles à l’adresse suivante : wfto.com/jointhebusinessrevolution.

L’entreprise sociale, dans son essence même, est principalement axée sur une mission. Une entreprise sociale donne la priorité à la mission sociale ou environnementale, même si cela réduit ses bénéfices. Parmi les entreprises durables classiques, c’est considéré comme une folie. Quel est l’intérêt de sacrifier les bénéfices ? Les entreprises traditionnelles sont capables d’agir de manière juste mais elles ne le font que si elles ont quelque chose à y gagner, comme le renforcement de la marque, de nouveaux clients, une réduction de risques ou de la stabilité.

C’est ce qu’on appelle l’« argument commercial sur la durabilité ». Si les chiffres n’augmentent pas, les efforts promouvant la durabilité sont relégués au second plan. Nous avons désespérément besoin d’un monde des affaires libéré de cette restriction. L’entreprise sociale réinvente le concept d’entreprise pour qu’elle ne soit plus prisonnière de l’idée de maximiser les bénéfices.

Un modèle plus solide

Nous pouvons remarquer que les entreprises investies d’une mission sont en réalité plus résistantes que celles maximisant leurs bénéfices. En effet, l’Organisation mondiale du Commerce Équitable (WFTO), rassemblant des entreprises de commerce équitable, a quatre fois plus de chances de durer que les entreprises classiques. 

C’est dû à de nombreux facteurs, tels que leurs partenariats à long terme, le soutien de leur communauté, la présence d’une marque plus authentique et la capacité à réinvestir leurs bénéfices ainsi qu’à attirer un soutien extérieur. Et, libérées de la pression de devoir constamment tirer des bénéfices de leurs actionnaires, ces entreprises peuvent se concentrer sur d’autres objectifs de manière viable.

Nous devons promouvoir ensemble le commerce équitable et l’entreprise sociale. Cette combinaison est la transformation la plus dynamique, authentique et profonde qui s’opère dans le monde des affaires. Ensemble, les mouvements du commerce équitable et de l’entreprise sociale sont les pionniers des modèles économiques de la nouvelle économie. Il est maintenant temps de partager cette idée à grande échelle.